La couleur de la peau by Diaz-Eterovic Ramon

La couleur de la peau by Diaz-Eterovic Ramon

Auteur:Diaz-Eterovic, Ramon [Diaz-Eterovic, Ramon]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Chilienne, Policier
Éditeur: Chloetana - Giga (Chloet - TAZ)
Publié: 2010-11-30T23:00:00+00:00


25

Aspén savait-il qui était Gambino ? La question m’a traversé l’esprit quand, la porte du bar à peine franchie, j’ai vu au loin un homme statue qui, avec son casque et son armure rouge, se voulait la réplique d’un légionnaire romain. Excepté Gambino, mon seul lien pour mieux connaître la vie d’Alberto au barrio Franklin était son ami Aspén, le Pape Noir. Je n’attendais pas grand-chose de lui mais je pouvais toujours l’interroger à propos de ce Gambino et, au passage, lui demander de m’expliquer pourquoi il avait fait allusion à une possible rivalité entre les deux frères Coiro.

Je me suis mis à sa recherche le long du Paseo Ahumada, sans hâte, m’arrêtant devant les boutiques où commençaient les soldes d’été, observant les clients du café Caribe et les prédicateurs qui proféraient à grands cris des menaces apocalyptiques, essayant de trouver le mime au milieu de la faune chaotique des chanteurs et des vendeurs qui avaient pris possession du Paseo. Mon premier parcours s’est soldé par un échec, tout comme les deux suivants : Aspén n’était nulle part. Après avoir acheté un soda à un marchand ambulant devant la Feria del Disco, je me suis approché d’une femme statue qui venait de descendre de son piédestal de déesse grecque. Elle semblait accablée par la chaleur et les rares pièces de monnaie laissées à ses pieds par les spectateurs.

— Tu sais où travaille le Pape Noir ?

— Il ne fait pas partie de mon groupe, m’a-t-elle répondu d’un ton rogue puis, comme si elle regrettait sa mauvaise humeur, elle a aussitôt ajouté : il y a une heure, je l’ai vu en face de l’immeuble du Club de la Unión.

J’ai laissé la jeune fille s’occuper de son démaquillage. En arrivant au Club, j’ai aperçu le Pape Noir, statique devant les passants. Je me suis arrêté pas loin de lui et, au bout de quelques minutes, j’ai compris qu’il avait remarqué que je le regardais avec une attention toute particulière. J’ai allumé une cigarette et j’ai attendu. Vingt minutes plus tard, son numéro terminé, il m’a jeté un regard en coin et s’est mis à ranger ses affaires dans son sac. Ensuite, tout s’est déroulé avec une rapidité incroyable : il a jeté son sac sur le trottoir et s’est enfui en courant. J’ai réagi avec quelques secondes de retard et, quand je me suis lancé à sa poursuite, j’ai heurté de plein fouet une grosse mémère qui passait par là. Après l’avoir écartée de ma route, j’ai pu voir le Pape Noir se diriger vers le centre commercial. J’ai couru assez vite pour le repérer au moment où il descendait vers les galeries souterraines où se trouvaient plusieurs bars et deux ou trois magasins de sport. A bout de souffle, j’ai dû me reposer un instant devant une vitrine pleine de ballons et de maillots des différents clubs sportifs. Le Pape Noir est entré dans l’un des cafés et je lui ai emboîté le pas. L’intérieur était sombre et une dizaine d’hommes se serraient autour d’un comptoir.



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